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LE DELAI BIENNAL D’ACTION EN GARANTIE DES VICES CACHES EST UN DELAI DE FORCLUSION

25/04/2022

L’acquéreur d’un immeuble assigne le vendeur, le notaire et le diagnostiqueur après la découverte du caractère vétuste, incomplet et polluant de l’installation d’assainissement non collectif. En première instance il demande uniquement la nullité de la vente pour dol et erreur sur les qualités substantielles. En appel il demande à titre subsidiaire la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés. C’est ce deuxième fondement qui est l’objet de la présente décision.

En vertu de l’article 1648 alinéa 1er du Code civil, l’action en garantie des vices cachés doit être introduite par l’acquéreur dans les deux ans à compter de la découverte du vice.

L’alinéa premier ne précise pas la qualification de ce délai, contrairement à l’alinéa 2 du même article, qui stipule que le délai d’action annal à l’encontre du vendeur d’immeuble à construire est un délai de forclusion.

Confirmant une position acquise, la troisième chambre civile rappelle qu’il s’agit d’un délai de forclusion et confirme l’arrêt d’appel qui avait déclaré l’action irrecevable en raison de la forclusion.

 

Le délai de forclusion a un régime distinct du délai de prescription ce qui a des conséquences importantes en pratique.

En effet, en vertu de l’article 2220 du Code civil, les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, soumis au régime des délais de prescription.

En application de cet article, la jurisprudence décide que le délai de forclusion n’est pas susceptible de suspension (Cass., Civ. 3ème, 3 juin 2015, n°14-15.796).

A l’inverse, le délai de forclusion est interrompu par l’introduction d’une demande en justice puisque l’article 2241 du Code civil le précise expressément.

 

Dans les faits d’espèce, l’acquéreur a découvert l’existence du vice le 5 juin 2009. Il a engagé une action en référé le 28 mai 2013 et un expert judiciaire a été désigné par ordonnance du 24 juillet 2013. L’expert a déposé son rapport le 20 novembre 2015. Le 28 juin 2016, l’acquéreur a assigné les vendeurs, le notaire et la société Saur en nullité de la vente pour dol et erreur. Puis en appel, à titre subsidiaire, il a demandé la résolution de la vente.

Le requérant soutenait que le délai d’action biennal a été interrompu par l’action en référé puis suspendu jusqu’au dépôt du rapport d’expertise le 20 novembre 2015 en application de l’article 2239 du Code civil. Il soutenait également que l’interruption de la prescription de l’action en nullité de la vente s’étendait à celle exercée sur le fondement de la garantie des vices cachés, en application de l’extension prétorienne de l’effet interruptif du délai de prescription aux actions liées.

La Cour de cassation ne suit pas le raisonnement du requérant.

Elle considère que le délai biennal est un délai de forclusion. Par conséquent, le délai n’a pas été suspendu pendant les opérations d’expertise et l’extension prétorienne de l’effet interruptif du délai de prescription aux actions liées est inapplicable.

Le délai d’action biennal a été interrompu par l’assignation en référé du 28 mai 2013 et un nouveau délai de 2 ans a commencé à courir à compter de l’ordonnance du 24 juillet 2013. En revanche, il n’a pas été suspendu pendant les opérations d’expertise de sorte que l’action au fond introduite le 28 juin 2016, plus de 2 ans après l’ordonnance de référé est forclose.

 

La solution adoptée par la troisième chambre civile diffère de celle retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation qui considère que le délai biennal de l’article 1648 est un délai de prescription. Par conséquent, ce délai est suspendu lorsque le juge fait droit à une demande d’instruction présentée avant tout procès (Cass., Civ. 1ère, 25 novembre 2020, n°19-10.824 ; Cass. Civ. 1ère, 20 octobre 2021, n°20-15.070).

La divergence de qualification du délai d’action en garantie des vices cachés entre la première et la troisième chambre civile de la Cour de cassation invite à la prudence. Il est préférable de considérer qu’il s’agit d’un délai de forclusion, non susceptible de suspension, pour ne pas risquer d’être forclos en fonction de la solution que déciderait d’appliquer la juridiction. Par conséquent, le vendeur doit, si possible, assigner au fond dans les deux ans suivant l’ordonnance de référé, sans attendre la fin de la mesure d’instruction. Seule cette solution étant à même d’éviter tout risque d’irrecevabilité de l’action.


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