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L’AUTONOMIE DES PREJUDICES D’ANGOISSE DE MORT IMMINENTE ET D’ATTENTE

25/05/2022

Cass., chambre mixte, 25 mars 2022, n°20-15.624 et n°20-17.072

 

Dans les deux arrêts du 25 mars dernier, la chambre mixte indemnise de manière spécifique et autonome le préjudice d’angoisse de mort imminente de la victime et le préjudice d’attente des proches.

 

Dans la première espèce, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorismes et d’autres infractions (FGTI), s’est pourvu en cassation pour contester l’indemnisation spécifique du préjudice d’attente et d’inquiétude ressenti par les proches de la victime avant l’annonce de son décès.

Il estimait que ce préjudice avait déjà été indemnisé au titre du préjudice d’affection des victimes par ricochet. 

 

Dans la deuxième espèce, le FGTI s’est pourvu en cassation afin de contester l’indemnisation distincte du préjudice d’angoisse de mort imminente.

Là encore, il estimait que ce préjudice avait déjà fait l’objet d’une indemnisation au titre des souffrances endurées de la victime décédée.

 

La Cour rejette les deux pourvois.

En se basant sur le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, elle juge que la Cour d’appel n’a pas réparé deux fois le même préjudice en indemnisant distinctement ces postes.

 

La Cour affirme que le préjudice d’angoisse de mort imminente ressentie par la victime avant son décès ne se confond pas avec le préjudice de souffrances endurées.

Cependant, elle rappelle que pour le caractériser, il est nécessaire de : « démontrer l’état de conscience de la victime en se fondant sur les circonstances de son décès ».

Elle valide l’appréciation de la Cour d’appel qui a indemnisé ce préjudice en prenant en considération la nature et l’importance des blessures de la victime, son temps de survie, son âge et le fait que son état de conscience avait conduit sa famille à juger possible son transport à l’hôpital en voiture légère. 

Des arrêts antérieurs précisent en outre que ce préjudice ne peut être caractérisé que pour le laps de temps postérieur à l’accident et antérieur au décès (Crim., 14 mai 2019, n°18-85.616).

L’indemnisation distincte du préjudice d’angoisse de mort imminente avait d’ores-et-déjà été reconnue par la chambre criminelle (Crim., 25 octobre 2013, n°12-83.055). En revanche ce préjudice était inclus dans le poste de souffrances endurées par les première et deuxième chambres civiles (Civ. 1ère, 26 septembre 2019, n°18-20.924).  L’arrêt du 25 mars de la chambre mixte semble mettre fin à cette divergence.

 

Concernant le préjudice d’attente et d’inquiétude, la Cour le définit comme l’inquiétude ressentie par les proches d’une personne lorsqu’ils « apprennent que celle-ci se trouve ou s’est trouvée exposée, à l’occasion d’un évènement, individuel ou collectif, à un péril de nature à porter atteinte à son intégrité corporelle … ».  

L’inquiétude liée à la découverte de ce danger et à l’incertitude pesant sur le sort de la victime est distincte du préjudice d’affection par son apparition chronologique.

En effet, la Cour affirme que : « La souffrance, qui survient antérieurement à la connaissance de la situation réelle de la personne exposée au péril et qui naît de l’attente et de l’incertitude, est en soi constitutive d’un préjudice directement lié aux circonstances contemporaines de l’évènement.».

Selon elle, le préjudice d’attente et d’inquiétude se réalise entre la découverte de l’évènement par les proches et leur connaissance de son issue pour la victime directe, alors que le préjudice d’affection se réalise lui après la connaissance par les proches, victimes par ricochet, de l’issue pour la victime directe.

Toutefois, pour que ce préjudice soit indemnisé de manière autonome, il faut que la victime directe ait subi une atteinte grave ou soit décédée des suites de l’évènement en cause.

La Cour estime donc que le préjudice d’attente et d’inquiétude est distincte du préjudice d’affection « par sa nature et son intensité » et ne se rattache à aucun autre poste de préjudice indemnisant les victimes par ricochet. Par conséquent, il doit être indemnisé de manière distincte et autonome.


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