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DROIT DES ASSURANCES : LA PRESCRIPTION BIENNALE EST CONFORME A LA CONSTITUTION

24/01/2022

Conseil constitutionnel, 17 décembre 2021, décision n° 2021-957 QPC

 

Dans un arrêt du 17 décembre 2021, le Conseil constitutionnel a jugé que la prescription biennale des actions dérivant du contrat d’assurance, posée par l’article L 114-1 du Code des assurances est conforme à la Constitution.

La Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) a été posée par deux époux, propriétaires d’une maison sur laquelle des fissures sont apparues. La compagnie d’assurance auprès de laquelle ils étaient assurés a refusé de prendre en charge le sinistre au motif que les désordres constatés étaient intervenus en dehors de tout arrêté de catastrophe naturelle. Les requérants ont alors introduit une action en paiement, qui a été déclarée irrecevable car prescrite par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 7 octobre 2021. La Haute juridiction a cependant accepté de transmettre une QPC au Conseil constitutionnel sur les dispositions de l’article L 114-1 du Code des assurances.

Le premier alinéa de cet article pose le principe selon lequel : « Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. ».

Or, selon les requérants, cet alinéa violerait le principe d’égalité devant la loi et devant la justice.

Premièrement, constituerait une violation du principe d’égalité, le fait que la prescription biennale s’applique également à l’assuré non professionnel, dérogeant ainsi au délai de prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du Code civil. Une telle différence de traitement violerait le principe d’égalité en ce qu’il traiterait de façon différente, des individus placés dans une situation identique.

Deuxièmement, les requérants critiquaient le fait que le délai de prescription des actions relatives au contrat d’assurance soit le même que l’action soit intentée par l’assureur ou par l’assuré. En effet, selon leur argumentaire, en appliquant le même délai de prescription, le législateur n’aurait pas tenu compte de la position de faiblesse de l’assuré par rapport à l’assureur. Il aurait ainsi traité de façon identique, des situations différentes.

Le Conseil constitutionnel n’a pas suivi l’argumentation des requérants.

Il rappelle sa jurisprudence constante relative à l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen selon laquelle : « Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Il n’en résulte pas pour autant que le principe d’égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. » (Considérant n°11, principe dégagé par la décision n°96-375 DC du 9 avril 1996).

En premier lieu, il résulte de ce principe qu’il est loisible au législateur de régler de façon différente des situations différentes dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en rapport avec l’objet de la loi qui l’institue. Or, selon le Conseil constitutionnel, le contrat d’assurance est un contrat spécifique en ce qu’il a pour objet « la garantie d’un risque en contrepartie du versement d’une prime ou d’une cotisation » (Considérant n° 14).  Cette spécificité le différencie des autres contrats, notamment des contrats soumis au Code de la consommation. Ainsi, la différence de traitement est justifiée par une différence de situation, et cette différence de traitement est en rapport avec l’objet de la loi.

En deuxième lieu, en prévoyant un délai de prescription unique pour les actions introduites par les assurés ou par les assureurs, le législateur n’a procédé à aucune différence de traitement. Or, en vertu du principe précité, rien n’oblige le législateur à traiter de façon différente des situations différentes.

Dès lors, l’alinéa 1er de l’article L 114-1 du Code des assurances, en ce qu’il prévoit un délai de prescription de deux ans pour les actions dérivant du contrat d’assurance est conforme au principe d’égalité devant la loi et devant la justice.  


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